Nationaliser le secteur de l'énergie
Il y a trente ans, le marché européen de l'énergie a été libéralisé. Les politiciens et les lobbyistes nous avaient alors promis le paradis énergétique. Grâce au marché libre, les gens pourraient choisir entre différents fournisseurs. Ceux-ci nous bombarderaient de remises et de prix bas. De plus, ils allaient investir massivement dans les énergies vertes bon marché et fermer à court terme toutes les centrales électriques obsolètes et polluantes.
Or c'est exactement le contraire qui s'est produit. L'énergie est devenue un produit de luxe. Les tergiversations sur le développement des énergies renouvelables ont été si longues que nous sommes aujourd'hui toujours dépendants des centrales au gaz et que certains pays européens dépoussièrent même à nouveau les centrales au charbon. Et cela, parce que le marché libre a fait exactement ce qu'un marché capitaliste fait toujours. Les grands ont mangé les petits.
Sept multinationales (Engie, EDF, E.ON, Iberdrola, ENEL, Vatenfall et RWE) dominent aujourd'hui l'ensemble du marché de l'énergie en Europe. Ils tiennent l'économie et les citoyens dans leurs griffes. Les profits qu'ils réalisent donnent le vertige. Si nos factures d'énergie doublent, leurs profits doublent aussi. Cette fois, vont-ils enfin utiliser ces milliards supplémentaires pour investir massivement dans les énergies vertes ? Pas du tout, ils transfèrent immédiatement ces surprofits aux actionnaires. Dans le même temps, ils lèvent la main pour obtenir encore plus de subventions. Et d'où viennent ces subventions pour les parcs éoliens commerciaux ? Des taxes vertes sur nos factures qui, en conséquence, deviennent encore plus élevées.
Mais est-il encore possible de briser le pouvoir de ces multinationales et de leur gigantesque machine de lobbying ? Oui, c'est possible, et pour trouver de l'inspiration, il ne faut même pas chercher très loin. Le Danemark l'a déjà fait pour nous. Ce pays est seul en tête de l'Union européenne en termes d'énergie renouvelable. Cela, c’est parce que le Danemark n'a pas cédé à la pression du lobby de la libéralisation il y a trente ans. Les Danois ont maintenu le principal producteur d'électricité, Ørsted, dans le giron public. À l'époque, il s'agissait encore principalement de produire de l'énergie par le charbon. Aujourd'hui, la plupart de ces centrales au charbon ont été fermées et remplacées par des éoliennes. Le principal atout d'Ørsted ? Ce ne sont pas les actionnaires insatiables, mais les utilisateurs qui étaient au centre des préoccupations.
Si nous voulons passer le plus rapidement possible aux énergies renouvelables et si nous voulons également faire baisser radicalement les prix, il n'y a qu'une seule chose à faire : nous faisons le switch et retirons le secteur de l'énergie des mains des multinationales. Nous faisons en sorte que l'énergie passe aux mains du public.
Ce ne sont pas une nouvelle règle par-ci ou un chèque énergie par-là qui nous permettront d'y arriver. Nos ministres pensent qu'il suffit de faire une déclaration forte de temps en temps pour que les CEO les écoutent. Ce ne sont pas les règles du jeu qui doivent être changées, nous devons simplement mettre fin à ce jeu qui dure depuis bien trop longtemps et qui est devenu une guerre d'usure pour nous. Nous avons besoin d’autres joueurs et d’autres règles. Nationaliser le secteur de l'énergie. Tel est le switch incontournable qui s’impose aujourd'hui.
Power to the people
Une vague d'isolation massive
Un logement à soi, une place au soleil. Pour beaucoup, ce rêve est peu à peu devenu un cauchemar dans notre pays. On racle les fonds de tiroir (et souvent ceux de ses parents) et, ensuite, il faut se frayer un chemin dans le monde des promoteurs immobiliers, des notaires et des banques, pour se retrouver avec un remboursement sur le dos qui va absorber une grande partie de son revenu mensuel.
Même ceux qui parviennent à trouver un logement ne sont pas pour autant libérés du stress et des nuits blanches. Avec la hausse des prix de l'immobilier, on est plus enclin à contracter des prêts qui sont en fait trop élevés pour nos revenus. Ou on achète une vieille maison qui doit être entièrement rénovée pour répondre aux normes d'isolation actuelles. Mais compte tenu de la hausse des taux d'intérêt et de l’augmentation du coût de la vie, les travaux d'isolation urgents sont reportés. Pourtant, des maisons mieux isolées, c’est bénéfique pour toute la collectivité, et pour le climat.
Certes, il existe des primes à la rénovation. Mais elles couvrent rarement le coût total des travaux. Et, parfois, elles ne sont versées que plusieurs mois après le début du chantier. En outre, il faut aussi assumer soi-même les coûts de l'audit. Dans la pratique, ces primes ne parviennent pas à ceux qui en ont le plus besoin. Les locataires n'en ont pas du tout l'utilité. Les résultats sont clairs. En Belgique, 95 % des maisons et 90 % des appartements ne répondent pas aux objectifs d'isolation. Dans notre pays, 750 000 maisons ne disposent même pas d’un toit isolé d’une quelconque manière.
À Vienne et en Allemagne, cependant, on voit depuis des décennies qu'il est possible de faire autrement. À Vienne, ce sont les pouvoirs publics qui sont aux commandes de la politique du logement et non les promoteurs ou les milliardaires de l'immobilier. Nous faisons le switch et suivons cet exemple en créant une Union pour le logement dans chaque ville ou région rurale. Ces organismes seront chargés de construire massivement des maisons durables destinées à la location ou à l'occupation par le propriétaire en répondant aux normes les plus strictes. Mais elles aideront également les propriétaires à rénover leur maison.
Ainsi, nous suivons l'exemple allemand. Des experts chargés par les pouvoirs publics conseillent les propriétaires sur les rénovations nécessaires et réalisables. L'Union de la construction, après l'approbation du propriétaire, ordonne ensuite à l'entreprise de construction d'exécuter les travaux. Les coûts sont avancés sous la forme de prêt sans intérêt. Le propriétaire rembourse ce prêt avec le montant économisé sur sa facture d'énergie. Après quelques années, les propriétaires bénéficient de factures moins élevées sans avoir dépensé un seul euro eux-mêmes. Cela nous permettra de moderniser notre parc immobilier vieillissant dans un délai raisonnable. Et grâce à une isolation optimale, ces logements pourront résister à la crise climatique, en étant protégés du froid en hiver et de la chaleur en été.
Avoir un logement est un droit, pas une partie de chasse
Investir dans les transports publics : l’alternative aux embouteillages
S’énerver dans les embouteillages. Poireauter sur un quai parce que le train ou le bus est encore une fois en retard ou supprimé. Non, on ne peut pas dire que se déplacer (pour se rendre au travail, aller voir sa famille ou des amis, aller au club de sport et au cinéma) soit une partie de plaisir dans ce pays. Le secteur des transports représente aussi un cinquième du total des émissions de gaz à effet de serre. C'est également l'un des seuls secteurs où ces émissions continuent d'augmenter chaque année.
Le ministre de la Mobilité aime annoncer de grands projets pour les transports publics. Mais en réalité, il y a de moins en moins d'investissements. Ceux qui prennent le train pour se rendre au travail tous les jours connaissent toutes les phrases par cœur : « en raison d'une absence imprévue du personnel de bord », « en raison de problèmes techniques » ou « un problème lors du précédent trajet de ce train »… Les navetteurs ne peuvent que pousser un profond soupir.
Cela fait des années que le chaos a été organisé. Le libre marché allait tout résoudre. Des zonings d'entreprises et des centres commerciaux ont été construits loin des zones résidentielles. Les travailleurs n'avaient qu'à acheter une voiture pour s'y rendre - le mot d’ordre étant « débrouillez-vous ». Et maintenant, on les chasse de la route à coups de zones de basses émissions (LEZ, pour « Low Emission Zone ») et de taxes. Les voies ferrées ont été négligées. Les grands travaux n’en finissent plus. Le résultat de cette anarchie totale : des voitures de plus en plus nombreuses et des nids de poule « en veux-tu en voilà ». Et des transports pas du tout à la hauteur.
Des transports publics abordables. Des trains réguliers et ponctuels, y compris tard le soir et tôt le matin. Des bus et des trams avec des correspondances parfaites. Et où on a accès à une bonne connexion Wi-Fi pendant le trajet. Des parkings gratuits à côté des gares pour les deux-roues et les quatre-roues. Et, enfin, des systèmes publics de partage de voitures et de vélos. Des pays comme le Luxembourg et la Suisse démontrent que l'on peut faire autrement. Le résultat, c’est moins d'embouteillages, moins de pollution atmosphérique et moins de stress. Car il existe alors une excellente et confortable alternative à la voiture.
Après les coupes budgétaires récurrentes de ces dernières années, il est urgent de réinvestir. D'ici une dizaine d'années, il devrait être possible de passer des transports en commun vétustes et des embouteillages qu’on connaît aujourd’hui à un transport public 2.0 permettant à chacun d'arriver à sa destination de la meilleure façon possible. Ce système amènera à leur travail des navetteurs de bonne humeur et offrira une meilleure alternative à ceux qui sont encore quotidiennement coincés dans les embouteillages.
Et, cerise sur le gâteau, nous rendons les transports publics gratuits. Au Luxembourg et dans des dizaines de villes, c’est déjà le cas. L'Allemagne et l'Espagne ont fortement baissé les prix. Or en Belgique, les transports publics sont de plus en plus chers. Des transports publics plus mauvais, pour lesquels il faut payer de plus en plus ? En faisant le switch, nous inversons la tendance. Les meilleurs transports publics du monde aux prix les plus bas. Une chose dont nous pouvons être fiers, et une excellente nouvelle pour le climat et l'air que nous respirons.
Vers une mobilité du futur